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Passionné de photo depuis plusieurs années, j’ai souvent réfléchi aux éléments qui la différencient des autres moyens d’expression. Et ce qui l’a, paradoxalement, rendue la plus intéressante à mes yeux, est le fait qu’elle doive jongler avec de nombreuses contraintes. Prisonnière de la réalité, contrairement à la peinture, prisonnière du présent, à l’inverse du cinéma. Et bien sûr d’un monde en deux dimensions.

 J’ai donc essayé, tant bien que mal, de jouer avec ces frontières. Pour taquiner la réalité, j’ai posé des focalisateurs coniques sur les flashes. Ceux-ci, en concentrant la lumière en des points précis du sujet, vont créer des effets factices tout en laissant dans l’ombre certains éléments inutiles. Ainsi les photons, plutôt que de balayer la surface des personnages, vont pénétrer plus profondément leur intimité. On dit que l’art ment pour mieux révéler la réalité et j’espère que mes clichés, s’ils ne sont pas fidèles à ce que verrait un œil humain, ont permis d’en découvrir plus sur l’état d’esprit des sujets.

 Pour ce qui est du présent, il est vrai que les vitesses d’obturations extrêmement rapides des appareils nous empêchent de voir ce qui se passe avant et après la prise de vue. Cette vélocité est une porte ouverte à bien des mensonges par omission.

Pour une des photos (Chronos 1), j’ai travaillé avec un temps d’exposition de six secondes pour tenter de démontrer que nos expériences, aussi pénibles soient-elles, restent imprimées en nous, quels que soient les moyens utilisés pour s’en détourner.

 Mais le point commun à la plupart de ces images reste avant tout le noir et blanc. Une lutte entre l’ombre et la lumière qui fait écho aux états d’âme du sujet, conditionnés par les effets aliénants de notre mode de vie.

Laurent Pheulpin, Neuchâtel, 2007                                       Ojo 1

ª  Photos Laurent